La laïcité : Le dernier espoir des Arabes ?
De nos jours, personne ne peut nier que la plupart des maux dont souffrent les Arabes sont principalement liés à l’instrumentalisation de la religion et par les islamistes, et par les régimes autoritaires en place. D’où la nécessité, selon des activistes et des intellectuels arabes, de se mobiliser pour l’instauration du modèle laïc dans leurs pays, car ils considèrent que leurs compatriotes n’ont plus d’autre choix que la laïcité.
Le débat sur la laïcité dans le monde arabe a refait surface avec les révolutions populaires arabes pour plaider la démocratie et la dignité. Ainsi, des manifestions en faveur de la laïcité avaient lieu en Tunisie, le berceau du « Printemps arabe », juste après le renversement du dictateur Ben Ali. Le documentaire Laïcité, Inch’Allah !, réalisé par Nadia El Fani, met en avant le rêve d’une partie des militants tunisiens d’une Tunisie laïque, où les citoyens peuvent vivre sans la tutelle d’une religion imposée. Malheureusement, la nouvelle Constitution adoptée en 2014 n’a pas été purement laïque, même si elle garantit la liberté de conscience. En effet, l’article 1 de ladite Constitution a été très clair : « La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime. »
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Nombreux sont les religieux arabes qui font de leur mieux pour diaboliser la laïcité reposant sur les principes de la liberté de conscience, la séparation des pouvoirs politique et religieux, et l’égalité de tous les citoyens devant la loi, selon la définition de l’Observatoire français de la laïcité. Pour ces prédicateurs islamistes, la laïcité est l’autre nom de l’impiété, de l’hérésie et de l’athéisme. Mais quand on sait que ces derniers ne sont que des « hypocrites » faisant appel à la religion pour se faire de l’argent, en exploitant l’ignorance des gens. On comprend dès lors que ces prédicateurs ne sont pas les mieux placés pour mettre en cause les vertus de la laïcité ou même défendre le message universel de la religion de Mahomet.
Et dire que ces prédicateurs qui prêchent la modération et vantent la pauvreté et la misère dans les mosquées possèdent des comptes bancaires en Suisse, des voitures dernier cri, des villas. Certes, tout le monde a le droit de faire de l’argent, mais la manière dont ils s’enrichissent pose problème. En réalité, ces soi-disant cheikhs ont fait leur fortune moyennant l’exploitation de la religion, étant donné qu’ils n’exercent pas un métier comme le commun des mortels. Ils excellent seulement dans la vente des fatwas aux misérables. Ces religieux, qui se présentent à tort comme des « érudits », nous rappellent le commerce des indulgences par ‘l’Église catholique romaine, une pratique qui remonte au 3e siècle.
La plupart des activistes arabes militant pour la laïcité sont fascinés par le modèle laïc turc, instauré après la défaite de l’Empire ottoman à l’issue de la Première Guerre mondiale. Il convient de rappeler que la laïcité à la turque n’est pas la séparation de la Mosquée et de l’État. L’islam sunnite est de surcroît favorisé sur les autres minorités musulmanes non wahhabistes. Cela dit, adopter la laïcité n’impose pas forcément de copier à la lettre ni le modèle occidental ni celui de la Turquie, dans la mesure où il serait mentir de dire qu’il y a une laïcité idéale. Mais rien n’empêche, dans un autre côté, les pays arabes de s’inspirer des exemples existant, en attendant la création d’un modèle de la laïcité purement arabe.
Le blogueur saoudien Raif Badawi, condamné à 10 ans de prison, 1 000 coups de fouet et 226 000 euros pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression en dénonçant le recours au religieux pour manipuler les masses dans son pays, est l’un de ses activistes qui croient en la laïcité et le libéralisme. Les autorités saoudiennes ont également reproché à Raif d’avoir insulté l’islam. Mais quand on lit ces articles, rassemblés dans le livre 1 000 coups de fouet parce que j’ai osé parler librement, on réalise que notre blogueur n’a pas offensé aucune religion, au contraire il n’a fait que répondre présent à son devoir d’intellectuel en nommant les choses comme elles sont. N’est-ce pas l’auteur de L’Homme révolté, Albert Camus, qui disait que « mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde » ? Effectivement, le souci de Raif derrière son appel à la séparation entre le religieux et le politique, était ne pas être complice avec ces prédicateurs de l’ignorance, qui sont derrière le retard des sociétés arabes sur tous les plans.
Dans ces articles, Raif Badawi s’est donné comme mission de couper l’herbe sous le pied des hypocrites religieux arabes, en avançant les bénéfices dont la laïcité est porteuse pour les Arabes. Voici quelques avantages de la laïcité, à la lumière du livre 1 000 coups de fouet parce que j’ai osé parler librement de Raif Badawi :
1. La laïcité renforce la religion et garantit la libre expression du culte
Pour bien des activistes arabes, dont Raif Badawi, la laïcité ne constitue aucun danger pour la religion, au contraire, elle renforce cette dernière et assure à chaque individu le droit d’exprimer ses croyances et ses idées comme bon lui semble. À vrai dire, on ne peut pas nier aujourd’hui que c’est dans les pays laïcs où les musulmans exercent leur culte en bonne et due forme, puisque nous n’avons jamais entendu parler de l’explosion d’une mosquée aux Etats-Unis, par exemple. Il faut signaler, en outre, que la plupart des organisations extrémistes actives actuellement dans le monde arabe sont la résultante de la politique répressive menée par les régimes despotiques en place contre ces groupes islamistes. C’est pourquoi la laïcité est devenue plus que jamais une nécessité, puisqu’elle éduque les gens à vivre et laisser les autres exprimer leurs convictions librement et sans contrainte.
2. La laïcité repose sur la séparation de la religion des affaires publiques
Au moment où les pays occidentaux ont opté pour la laïcité dans l’intention de s’investir davantage dans les écoles et permettre à leurs citoyens de briller et d’exprimer leurs talents, des pays arabes augmentent année après année le budget consacré aux lieux de culte. Prenons, à titre d’exemple, le Maroc. Le budget consacré à la gestion et à l’entretien des mosquées a atteint deux milliards de dirhams en 2015. La guerre sans fondements, contre-productive et coûteuse menée par les Saoudiens au Yémen pour repousser l’expansion de l’islam chiite. Et non pour défendre la « légitimité » comme tentent de nous faire croire les Saoudiens et leurs alliés. Bilan : plus de 2 800 personnes tuées et un million de déplacés. Cette guerre est une autre preuve qu’il est temps de cesser d’instrumentaliser la religion pour couvrir les défauts d’un régime autoritaire en tuant des civils au nom d’une légitimité illusoire.
Au #Yémen, la coalition arabe est accusée de crimes de guerre par une ONG https://t.co/8Mb0Bpyh7F @hrw pic.twitter.com/Mfxc78bbrk
— Géopolis (@GeopolisFTV) 31 juillet 2015
3. La libre concurrence et l’égalité des citoyens d’un même pays devant la loi
C’est désolant aujourd’hui d’entendre qu’en Arabie saoudite les femmes n’ont pas le droit de conduire. Et il n’est pas étonnant si le roi de l’Arabie saoudite demande, lors de son séjour très contesté en France, d’éloigner une femme CRS de son dispositif de sécurité. Dans la société saoudienne, tout comme dans d’autres sociétés arabes, à l’exception de la Tunisie où les femmes réjouissent du statut le plus avancé du monde arabe, on sous-estime encore les talents de la femme et on interdit la mixité entre les deux sexes. C’est pourquoi Raif appelle tous les progressistes arabes à se battre bec et ongles pour la mixité, étant donné que celle-ci assure l’égalité des chances entre les femmes et les hommes.
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