Maroc : À quoi jouent les Femen ?

Article : Maroc : À quoi jouent les Femen ?
Crédit: Image par Gulcin Guler de Pixabay
23 juin 2015

Maroc : À quoi jouent les Femen ?

Après avoir semé la zizanie en Tunisie en 2013, il semble que les Femen soient déterminées à pénétrer le monde arabe coûte que coûte. Et cette fois-ci par la porte du royaume chérifien, en profitant de la discorde entre les Marocains suite à la sortie du film Much loved. Suite aussi au débat sur l’avant-projet du nouveau code pénal, dont certains articles sont régressifs aux yeux des défenseurs des droits de l’homme au Maroc. Voici quelques indices témoignant que le mouvement des Femen a jeté son dévolu sur le Maroc en 2015.

Il suffit de jeter un coup d’œil sur les comptes Twitter et Facebook des Femen pour constater que le Maroc est le nouveau pays non grata du mouvement en question, et pour cause ! Les autorités marocaines ont arrêté et expulsé le 2 juin deux membres des Femen qui se sont embrassées seins nus devant la Tour Hassan à Rabat. L’objectif derrière cette action imprévue: soutenir les homosexuels marocains et protester contre l’article 489 de l’actuel code pénal marocain pénalisant l’homosexualité.

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Article 489 du code pénal marocain

Dans une interview accordée au magazine français Les Inrocks, l’une des deux « militantes » expulsées, Marguerite, qualifie leur action de « provocation pacifique ». Quant au choix de la tour de Rabat pour mener leur action, sa compatriote, Esther, déclare que le choix de cet endroit est dû au fait que cette mosquée est « un symbole du dogme (Islam, ndlr) qui prêche un discours homophobe constant. »

Dès le départ des deux Femen du territoire marocain, les autorités annoncent l’arrestation de deux homosexuels qui s’embrassaient sur la même place, la Tour Hassan. Ce coup de théâtre a accru les tensions entre militants des droits de l’homme et les autorités publiques. Ainsi, des mouvements pro et anti-homosexualité ont vu le jour, sauf que le mouvement des opposants a le dessus. Le soutien des autorités aux anti-gays était très considérable lors de la manifestation du mouvement des anti-homosexuels devant la maison de l’un des deux homosexuels incarcérés, puis condamnés à quatre mois de prison.

La branche marocaine des Femen : un projet mort-né

Quand la première Femen tunisienne Amina Sboui a quitté les Femen en août 2013, elle a avancé deux raisons principales pour expliquer son départ : le mouvement est « islamophobe » et son système de financement est opaque.

Si vous consultez la page Facebook de la branche marocaine des Femen, il est fort à parier que le mouvement n’a pas d’avenir au Maroc et dans tout le monde arabe, en raison des messages de haine dont les posts du mouvement sont porteurs. Même les internautes qui sympathisaient avec les Femen se sont désolidarisés avec ces dernières. Car le groupe ne défend plus les droits des femmes. Il a poussé le bouchon un peu trop loin et s’amuse désormais à insulter les croyances religieuses des autres. Bref, elles combattent « la haine avec la haine », pour reprendre l’expression d’un facebooker commentant un post islamophobe des Femen Maroc.

Capture d'écran : page Facebook des Femen Maroc
Capture d’écran : page Facebook des Femen Maroc

Le 11 juin, un autre coup dur pour les Femen est venu cette fois-ci du collectif Aswat (voix) pour la défense des homosexuels marocains. Dans un communiqué, le collectif a exprimé son désaccord avec les méthodes provocatrices des Femen : « Nous, au sein de « Aswat » , ne pouvons guère adhérer ou participer à une activité similaire à celle de « Femen » au Maroc, allant à l’encontre de notre vision d’un engagement et d’une lutte pacifique, et usant de la provocation et du choc pour défendre notre cause , celle des droits humains. »

On pourrait même dire que l’action du groupe féministe a compliqué davantage la tâche des militants des droits de l’homme marocains et a rendu à un grand service au gouvernement Benkirane, qui se considère comme le gardien des valeurs du peuple marocain ses derniers temps.

Il convient de rappeler que la branche marocaine des Femen, contrairement à la branche tunisienne qui est descendue sur le terrain avant son extinction, n’existe jusqu’à présent que sur les réseaux sociaux. Et le recours des Femen à deux Françaises pour mener leur action à Rabat, suscite de nombreuses interrogations.

La stratégie internationale du mouvement des Femen

Les Femen font appel à la même stratégie pour faire entendre leur voix partout dans le monde, y compris lors de leur dernière action au Maroc.

La stratégie internationale des Femen
La stratégie des Femen (infographie réalisée avec canva.com)

Le Maroc doit rendre justice aux activistes Femen

En dépit de leur stratégie jugée agressive, les Femen ont pu relancer le débat au royaume sur la situation des LGBT. Et le dernier rapport du ministère marocain de la santé incitant le gouvernement à renoncer à la pénalisation  des relations gays, prouve que l’action des Femen a été efficace.

Pour terminer, nul ne peut réduire à néant les efforts déployés par les Femen pour défendre les droit de l’homme en général, et les droits des femmes en particulier. Cependant, il est impératif qu’elles remettent en question leurs méthodes provocatrices et inutiles parfois. Et j’aurais aimé que les Femen lisent les écrivains gays défendant leur cause par le biais des mots. Et Dieu sait combien les mots sont plus efficaces que des kalachnikov, ou que des seins nus. N’est-ce pas Abdellah Taïa, le premier écrivain marocain à assumer publiquement son homosexualité, qui disait que « la liberté (…) ce n’est pas faire n’importe quoi. Ce n’est pas la pagaille et ledésordre » ?

Ô Femen ! Il y a mille façons de défendre les droits des femmes.

 

 

 

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Commentaires

Didier Makal
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Oh, nos libertés! Que c'est compliqué. Parfois on ne sait pas où mettre sa tête ou ses pieds. Bel article, cher ami!

Serge
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C'est une hypothèse, mais je crois bien que les Femen ont une action plus remarquée dans les pays où les mouvements de femmes ne sont pas trÈs efficaces.. elles ont bien essayé au Brésil , mais elles ont vite été stigmatisé par les autres mouvements féministes qui ont critiqué leur autoritarisme...