Séisme au Maroc : Je me suis rendu à Asni, un village sinistré de l’Atlas

Article : Séisme au Maroc : Je me suis rendu à Asni, un village sinistré de l’Atlas
Crédit: Alyaoum24, via Wikimedia Commons
16 septembre 2023

Séisme au Maroc : Je me suis rendu à Asni, un village sinistré de l’Atlas

Huit jours après le séisme du 8 septembre, j ‘ai quitté Marrakech pour me rendre à Asni, un village berbère situé à 47 km au sud de la ville, au cœur de la province d’Al-Haouz. Sur la route, au fur et à mesure que l’on s’approche des montagnes de l’Atlas, les décombres de maisons en briques crues deviennent de plus en plus nombreuses, éparpillées ça et là. Des tentes jaunes, vertes et bleues sont dressées tout au long de la route. Ici, on est proche de l’épicentre du séisme, la situation paraît surréaliste, les dégâts sont partout, c’est dramatique.

Je suis arrivé à Asni vers midi. Dans cette commune rurale, la présence de l’armée est importante, c’est comme si le village, très durement frappé, était devenu du jour au lendemain une caserne militaire. C’est en effet ici que les forces armées marocaines ont choisi d’installer un imposant hôpital de campagne médico-chirurgical.

Un hôpital miliaire a été installé à Asni, un village au sud de Marrakech, pour s’occuper des victimes du séisme du 8 septembre. © Le Jeune Maghrébin

Le choix d’Asni n’est pas anodin. Cela est dû à son emplacement stratégique qui fait de lui un carrefour entre les villages du Haut Atlas et Marrakech. Mon ami Youssef est professeur et y travaille depuis des années, il se dit chanceux d’avoir quitté le village quelques heures avant le désastre meurtrier.

« Ce vendredi-là, j’ai quitté le village pour rendre visite à ma cousine, qui se trouve à Marrakech. Deux jours plus tard, je suis retourné au village, c’est là que je me suis rendu compte que ma maison avait été endommagée. On dirait qu’un missile l’a frappée. Heureusement, je n’y étais pas, sinon je ne serai pas là aujourd’hui. La chance a été de mon côté, Dieu merci. »

Abdelkrim, en revanche, lui, était présent à Asni au moment du séisme. Je l’ai rencontré non loin de l’hôpital militaire installé sur place. Il était assis, seul et à l’écart du monde. Il était encore sous le choc et avait l’air à la fois triste et calme. Il m’a montré de loin sa tente, plantée près de la route principale, une tente verte et de petite taille qui lui appartient. Les autres habitants, ont reçu des tentes, distribuées par le Croissant-Rouge marocain, de l’armée et surtout, des ONG.

Un camp a été mis en place à Asni, un village au sud de Marrakech, pour accueillir les sinistrés du séisme du 8 septembre. © Le Jeune Maghrébin

« Moi je n’ai rien reçu de personne, sauf de la nourriture et de l’eau pour survivre. Moi, je veux rien et je remercie Dieu car aucun malheur n’est arrivé à ma famille. J’espère que les autorités nous aideront à reconstruire notre logement. Ils ont annoncé à la télé qu’il y aurait bientôt des pluies torrentielles. Franchement, j’ai aucune idée de notre sort. Je suis très inquiet ! »

Asni s’est transformé en un village de tentes, où on a entassé des familles entières, sans électricité ni toilettes. Pas loin du camp de tentes, une foule attend les donations qui affluent vers le village. Des camions aux couleurs des drapeaux nationaux arrivent, chargés de toutes sortes de marchandises. Des ONG marocaines et étrangères sont elles aussi mobilisées. Et dans les villages les plus isolés, inaccessibles par la route, on recourt souvent aux mules pour acheminer les aides nécessaires aux villageois concernés.

Tente dans le village de Tinmel

Dans ces camps de fortune, la vie des sinistrés est extrêmement difficile. Certains enfants ont perdu leur famille, j’en ai vu qui mendiaient, à la recherche d’un peu d’argent. On a appris aux informations que des prédateurs rôdent dans les camps, profitant ainsi da la situation chaotique dans les villages les plus touchés. Ces prédateurs agissent aussi via les réseaux sociaux. Le gouvernement marocain a tout de suite réagi en mettant en place un numéro vert contre la traite d’êtres humains (Numéro vert = 080000 47 47). Par ailleurs, certains influenceurs opportunistes se mettent en avant en intervenant sur le dos des plus démunis dans le seul but d’obtenir plus de vues sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok. Leut objectif : faire du buzz pour gagner plus d’argent. Ces agissements sont évidemment à condamner et c’est là aussi de la responsabilité de l’État de réagir pour les réprouver.

Pour faire face à tout ce chaos, le manque de coordination entre les organisations de la société civile et l’État pose un réel problème. J’ai pu le constater en me rendant sur place. Tout le monde donne ce qu’il a et fait ce que bon lui semble, sans organisation, sans le moindre contrôle. Cela crée de gros déséquilibres, ainsi, certains villages ont bénéficié abondamment de denrées alimentaires, tandis que d’autres attendent toujours l’arrivée des bienfaiteurs pour venir à leur rescousse.


Le problème c’est que « l’Etat marocain n’a pas réagit à temps, car il ne dispose pas d’un plan de gestion de crises et de catastrophes naturelles », me confie Sokayna, marocaine qui travaille en tant que volontaire pour une ONG américaine. « Pour moi, l’élan de solidarité a sauvé la face au gouvernement. Sans cette solidarité, on aurait pu être la risée de la communauté internationale », ajoute-t-elle. « Aujourd’hui, je me demande vraiment quel est le rôle de l’État face à une telle catastrophe, si ce n’est intervenir au bon moment pour réconforter les citoyens dans la peine et le dénuement. Nous les Marocains, nous payons énormément de taxes, et dans ces moments on se demande à quoi ça sert… Après la catastrophe, dans les villages du Haut Atlas, l’arrivée des secours marocains a en effet semblée beaucoup trop tardive.

Notons cependant qu’Aziz Akhannouch, le chef du gouvernement marocain, a présidé la semaine dernière une réunion consacrée notamment à la reconstruction des logements détruits dans les zones sinistrées. « Les citoyens qui ont perdu leurs logement recevront des indemnités (…) une offre claire sera annoncée prochainement », a-t-il déclaré. Selon lui, des solutions sont actuellement à l’étude pour les personnes sans abri. Une lueur d’espoir pour ceux qui ont tout perdu.


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